Au fil de la Loire

En parcourant les bords de Loire, sur la rive droite de Chaingy à Tavers, mais aussi sur la rive gauche de Mareau-aux-Prés jusqu’à Lailly-en-Val, vous découvrirez les anciens « ports aux vins » et leurs quais bordés de caves ; et vous comprendrez les liens très étroits qui ont toujours uni le grand fleuve à la vigne.

Car c’est la Loire qui a déterminé la vocation viticole de la région et sa richesse. Restée pendant longtemps la principale voie commerciale de France, elle a offert dès le Haut Moyen Age à la vigne des conditions idéales d’implantation et de développement ; elle a permis l’introduction, sur tout notre territoire, des cépages et des techniques culturales qui font aujourd’hui encore la spécificité et la qualité de nos deux appellations. Et surtout, elle a été, pendant plus d’un millénaire, l’axe de commercialisation primordial des vins de la province. C’est la Loire, avec les débouchés qu’elle ouvrait et les facilités d’acheminement qu’elle offrait, qui a fait la richesse de notre vignoble.

Ainsi tout le long du fleuve (en roue libre sur l’itinéraire de la Loire à Vélo), vous pourrez voir les traces encore bien lisibles de ces anciennes activités marinières : lignes de quai, cales et petits escaliers d’embarquement évoquent ce temps où, par centaines, les fûts et les poinçons de bons vins du cru étaient chargés sur des gabarres, vers Orléans et Paris.

Et si vous partez en balade sur l’eau, sur un vieux gréement ligérien, les mariniers passionnés vous raconteront ces heures glorieuses où la Loire portait bateaux, portait tonneaux…

Carnet de route

Étape 1. Le village de Chaingy

C’est sur Chaingy que sont attestées les premières vignes de notre territoire : nous savons en effet que, dès sa fondation au VIe siècle, l’abbaye de Micy située à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin possédait sur la rive droite de la Loire, à Chaingy, des terres à vignes étendues, dont les moines s’occupaient et dont les revenus étaient importants. Les échanges entre le village et l’abbaye de Micy se faisaient par bac, depuis un très ancien petit port situé en limite de Chaingy et de La Chapelle-Saint-Mesmin au lieu-dit le Vaussoudun, où l’abbaye, qui possédait les deux rives du fleuve à cette hauteur, levait un péage sur tous les bateaux, essentiellement des chalands chargés de sel ou de tonneaux de vins du cru.

Depuis cette lointaine époque, Chaingy est restée une commune entièrement viticole jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le petit port médiéval de Vaussoudun ayant depuis longtemps disparu, les vins du coteau étaient transportés à Fourneaux où il y avait une cale d’embarquement (qui existe toujours) et d’où ils étaient acheminés par la Loire. Il y a longtemps eu à Fourneaux un bac permettant aux vignerons de traverser la Loire vers Mareau-aux-Prés, autre importante commune viticole.

Étape 2. Le village de Saint-Ay

Comme toutes les communes situées sur ce coteau ourlant la Loire, Saint-Ay a vécu, pendant des siècles, au rythme des travaux de la vigne et du vin. La crise du phylloxéra dans les années 1880-1890 a détruit le vignoble, mais quelques clos, replantés de cépages traditionnels ont maintenu la réputation du cru de Saint-Ay jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. La vigne reste profondément enracinée dans la mémoire collective. De nombreux témoignages de cette ancienne viticulture prospère et de qualité existent encore. Il suffit d’être un peu curieux…

En contrebas de la belle demeure viticole dit de l’Evêché, que vous pouvez admirer en vous promenant au bord de l’eau, l’ancien petit port dit port de l’Evêché, a conservé sa cale en pente douce d’embarquement des tonneaux et de débarquement de ce qu’on appelait traditionnellement dans le vignoble orléanais des « charniers » ou échalas, c’est-à-dire les piquets (en chêne ou en châtaignier puis en acacia) pour palisser les vignes. C’est aussi dans ce petit port qu’abordait le bac permettant de traverser le fleuve entre Saint-Ay et Mareau-aux-Prés.

En aval, au lieu-dit Cropet, on peut toujours voir un ensemble de sept caves creusées dans le coteau bordant la Loire (et dont les entrées ont été murées). Mesurant jusqu’à soixante mètres de long, elles sont reliées entre elles par des passages transversaux et quelques-uns sont équipées de puits.

On remarque le puissant mur de soutènement épaulé de contreforts, au-dessus duquel s’élève une maison de maître autrefois entièrement entourée de vignes. Les vins de la propriété étaient entreposés dans les caves du coteau ; les tonneaux étaient ensuite directement chargés sur les bateaux, depuis le quai équipé d’escaliers et d’organeaux (anneaux scellés dans le mur), ainsi que d’une cale. Ces aménagements, aujourd’hui en partie recouverts de végétation, sont toujours visibles.

L'Evêché à Saint-Ay © Archives du Loiret 3689

Étape 3. La ville de Meung-sur-Loire

Le vignoble, qui s’étendait de manière quasi continue de la Loire jusqu’au plateau, a occupé pendant des siècles une place majeure dans la vie de Meung-sur-Loire ; le hameau de la Nivelle était ainsi considéré comme la petite capitale des vignerons, qui y fêtaient rituellement la Saint-Vincent avec une ferveur particulière. Tonneliers, marchands de vins, voituriers transportant les futailles étaient aussi nombreux sur toute la commune.

Les vins produits alimentaient un trafic fluvial important à partir des différents quais d’embarquement : ces installations spécifiques destinées au stockage et au transport des vins locaux sont encore visibles le long du fleuve.

© Vanesse Treney - CRT Centre-Val de Loire

Un premier port, ou port de Meung proprement dit, était établi vis-à-vis de la ville en amont du pont suspendu, au quartier « Le Bout du Monde » (qu’on appelait auparavant « Le Noroît). Il a été reconstruit entre 1808 et 1811 avec trois cales reliées par des perrés maçonnés, puis amélioré au milieu du XIXe siècle.

C’est sur ce port que l’Association Cœur de Loire, faisant revivre l’ancienne Marine de Loire, propose ses balades en bateaux traditionnels, et un lieu convivial et chaleureux, la Capitainerie, où l’on peut, entre autres, déguster les vins de l’Appellation.

En amont de ce port, il y avait d’autres points d’embarquement des vins provenant des grandes propriétés situées sur le coteau de la Loire, et qui ont conservé des infrastructures importantes : on peut les découvrir en se baladant au bord de la Loire en allant vers Saint-Ay. La Petite Mouche, la Grande Mouche, le Pressoir, la Corne du Bois, la Belle-Croix – ces anciennes propriétés viticoles étaient bâties sur d’immenses réseaux de caves où étaient entreposés les tonneaux, qui pouvaient
ensuite être embarqués directement sur les chalands amarrés en contrebas.

Ainsi à la Grande Mouche (très belle demeure qui propose aujourd’hui des chambres d’hôtes, La Mouche Abeille), on peut toujours voir la cale très pentue d’embarquement des tonneaux, datant de la seconde moitié du XVIIIe siècle avec son pavage d’époque, orientée vers l’aval. Le haut perré de rive est équipé d’un escalier de pierre permettant d’accéder aux embarcations. On peut voir aussi, scellé dans la pierre, un gros anneau d’amarrage ou organeau.

Une borne kilométrique et une borne repère de nivellement (marquées 67 D et 112) liées à la navigation en Loire sont situées à proximité. Dans le coteau se perd un véritable labyrinthe de caves, aujourd’hui murées.

Le port du Pressoir (en amont de la belle demeure du Pressoir qui s’élève juste au-dessus) se compose de perrés rythmés par huit escaliers étroits. Vis-à-vis de ces perrés on voit les anciennes entrées d’une trentaine de caves creusées dans le coteau. Elles permettaient d’entreposer le vin produit par la propriété du Pressoir et probablement aussi celui provenant des vignobles des environs, qui pouvait être ainsi directement embarqué dans les bateaux de Loire, sans avoir à être acheminé au port de Meung.

Les escaliers présentent des marches dont le nez est plus bas que les bordures des pierres qui les encadrent, probablement pour faciliter la descente des fûts de vin à l’aide de corde. On y remarque aussi des bornes de Loire et des repères de crues inscrits sur les murs des caves.

La Corne du Bois était aussi une grosse propriété viticole qui appartenait à la fin du XIXe siècle au père de Gaston Couté et produisait un excellent cru : au pied des douze caves creusées dans le coteau, se trouve une jolie fontaine (appelée la Fontaine Ladurée) à laquelle on accède grâce à trois marches. Un petit aqueduc permet d’évacuer le trop plein d’eau vers la Loire.

Au pied de la propriété de la Belle-Croix, (où un clos de vignes a été replanté) se cache dans la végétation un ancien garage à bateaux voûté de pierres.

Suggestion

Parcourez à pied l’itinéraire du GR3, entre Meung-sur-Loire et Saint-Ay, pour admirer les anciennes caves et les ports le long du fleuve royal.

Étape 4. La ville de Beaugency

Ville-marché dès son origine, étroitement liée à la navigation sur la Loire, Beaugency a été dès le XIIe siècle entourée d’un important vignoble produisant des vins de qualité qui ont été l’une de ses principales richesses jusqu’à la fin du XIXe siècle, avec les grains de Beauce et les fourrages de Sologne. La vigne était partout présente, sur les pentes bien exposées tournées vers la Loire, sur le plateau, mais aussi à l’intérieur du bourg, dans les jardins, les « courtils », en treilles. Elle faisait vivre toute une population de vignerons, de tonneliers, de marchands de vins et de bouilleurs de cru.

Cette ancienne activité viticole, aujourd’hui totalement disparue sur Beaugency (même si la commune fait toujours partie de l’A.O.C. Orléans), a laissé de nombreuses traces dans la mémoire et le patrimoine de la ville.

Beaugency possédait, dès le Moyen Age, un port de part et d’autre du pont, reconstruit au XVIIIe siècle et modernisé au milieu du XIXe siècle. Le trafic y a été très actif, l’essentiel du fret étant les tonneaux de vin du cru et les pierres à bâtir des carrières de Tavers.

Le pont médiéval fut équipé en 1841 de la grande arche marinière, que l’on peut toujours voir, pour faciliter le passage des lourdes gabarres chargées de futailles.

Le pont médiéval © Romain Boisseau