Les vins de l’Orléans-Cléry

Sur la rive gauche de la Loire, le vignoble d’Orléans est constitué d’une centaine d’hectares de vignes réparties sur une vingtaine de communes. Sur les Terres du Val de Loire, ce ne sont pas moins de six vignerons qui, à Cléry-Saint-André, Mareau-aux-Prés et Mézières-lez-Cléry, exploitent ce vignoble, lequel bénéficie depuis 2006 de deux Appellations d’Origine Contrôlée (A.O.C.) : Orléans et Orléans-Cléry.

Fiche d'identité des A.O.C. Orléans et Orléans-Cléry

Le vignoble d'Orléans a été classé en A.O.C. en septembre 2006 après une vingtaine d’années d’efforts des vignerons pour lui redonner ses lettres de noblesse. L’Appellation, qui s’applique aux trois couleurs, rouge, rosé et blanc, se concentre aujourd’hui sur quatre communes de la rive gauche, Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, Mareau-aux-Prés, Cléry-Saint-André, Mézières-lez-Cléry, sur d’excellentes terres à vignes.

Le vignoble d’Orléans est un vignoble de plaine, où de petites parcelles de vignes se mêlent aux champs et aux vergers, composant un paysage de polyculture resté très rural.

L’Appellation s’étend sur une terre de cailloux aux sols très filtrants, voire squelettiques, dans laquelle les ceps s’enracinent profondément. Mais chaque parcelle présente des caractéristiques pédologiques différentes, suivant sa situation, plus proche du Val de Loire ou plus proche de la Sologne. Sables ici, graviers là, quelques plaques argileuses et silico-argileuses. Terres plus limoneuses vers Orléans, calcaires vers Saint-Hilaire, sable rouge et cailloux de Sologne vers Mézières, sols graveleux et sablo-graveleux vers Cléry. Et nos vignerons qui ont tous des parcelles éparpillées sur ces différents terrains jouent avec talent sur ces nuances de terroirs.

Un encépagement noble et historique sur les deux appellations, particulièrement remarquable en A.O.C. Orléans : sur ce terroir en effet on trouve les cépages qui ont fait les grandes heures du vignoble orléanais, qui sont particulièrement bien adaptés et que les vignerons du cru travaillent depuis toujours. Un encépagement tout à fait atypique et original par rapport aux vins de Loire : pinot meunier, pinot noir, pinot gris (en appoint) et chardonnay en blanc.

Le pinot noir, appelé traditionnellement « auvernat rouge » en Orléanais où on le cultive depuis le XIIIe siècle, est un cépage bourguignon de grande qualité et de peu de rendement qui aime les meilleures terres argilocalcaires. Ce cépage a dominé le vignoble orléanais jusqu’au XVIIIe siècle. Aujourd’hui il est surtout travaillé en assemblage avec le pinot meunier.

Le pinot meunier aujourd’hui dominant constitue en particulier la spécificité de ce terroir : c’est le fameux gris-meunier, emblématique du vignoble orléanais. Il a connu un succès grandissant à partir de la 2ème moitié du XVIIe siècle ; plus résistant que l’auvernat rouge aux gelées de printemps et à la coulure, il l’a peu à peu supplanté. Ce cépage typique et plein de charme est, en Orléanais, vinifié en rouge, soit seul soit avec le pinot noir, et en rosé. Les blancs de l’appellation sont des 100% chardonnay ou « auvernat blanc », le plus noble des cépages blancs.

Dans l’appellation Orléans-Cléry, à l’ouest du vignoble, le seul cépage autorisé est le cabernet franc (qui fait l’encépagement des grands rouges du Chinonais) qui donne des rouges de caractère. Quelques outsiders, hors Appellation : le sauvignon gris (qu’a replanté et que vinifie Edouard Montigny), le gascon, vieux cépage qui a fait les grandes heures du vignoble de Cléry et Meung, le gamay beaucoup replanté au XXe siècle, le pinot gris

En appellation Orléans, des rouges de pinot meunier (en majeur) et pinot noir équilibrés, longs en bouche, suaves et d’une grande souplesse. Des blancs de chardonnay floraux, pleins d’agrumes, d’une rare finesse, qui bluffent très souvent les spécialistes et les dégustateurs des guides. Des rosés, pleins de fruit et de vivacité juvénile, qui associent le pinot noir, le pinot meunier et le pinot gris et font le charme des déjeuners d’été.

En appellation Orléans-Cléry, des rouges de cabernet-franc, plus tanniques, à la robe profonde, bouquetés et corsés, qui en vieillissant prennent de la rondeur.

L’Appelation Orléans et Orléans-Cléry

Riche d’une longue et glorieuse histoire au début du Moyen Âge, le vignoble de l’Orléanais a été frappé de plein fouet, à la fin du XIXe siècle par le phylloxéra et par la concurrence des vins du Midi. Après ces heures sombres, une poignée d’hommes et de femmes se sont attachés, à force de travail, à redonner à ce très ancien vignoble ses lettres de noblesse.

Que sait-on de ce petit terroir, d’allure modeste, est riche d’une histoire viticole prestigieuse, que pourraient lui envier bien des appellations ?

Les premières vendanges orléanaises remontent à la fondation de l’abbaye de Micy par saint Mesmin vers 510, et dont les moines plantèrent dès le Haut Moyen Age le vignoble de Chaingy. Selon la tradition locale, à la même époque, l’ermite saint Liphard à Meung-sur-Loire entreprenait de défricher et assainir le territoire marécageux des Mauves, en plantant des vignes et du blé. A partir de ces premières plantations, le vignoble s’est développé, très précocement, tout autour d’Orléans, en amont et en aval, et a fait la prospérité de la contrée de Tavers jusqu’à Châteauneuf-sur-Loire. A l’intérieur de cette vaste zone viticole dont il occupait l’extrémité ouest, le vignoble de notre territoire a toujours conservé une identité propre, avec des crus de qualité et recherchés.

L’expansion de ce vignoble, dès l’origine et tout au long de son histoire, est étroitement liée à la Loire, axe de transport et de commercialisation majeur dès le Moyen Age.

A la suite des premiers moines vignerons, les quelques importantes communautés religieuses établies sur le territoire (les chanoines de Saint-Liphard de Meung, de Notre-Dame de Beaugency et de Notre-Dame de Cléry, les moniales de l’abbaye de Voisins à Saint-Ay, les prieurs de Saint-Etienne de Beaugency, les prieurs de Saint-Firmin de Beaugency) allaient remarquablement mettre en valeur les très nombreuses terres à vigne qu’ils possédaient et dont ils tiraient des revenus substantiels : on leur doit de célèbres « clos » dont les noms existent toujours sur le cadastre de nos communes. Les cartulaires recensent en détail les vignes, les pressoirs et les celliers appartenant à ces religieux à qui l’on doit l’introduction et la généralisation des cépages nobles d’origine bourguignonne de la famille des pinots, connus ici sous le nom d’auvernats – cépages qui font aujourd’hui encore la typicité de notre Appellation.

Les puissants évêques d’Orléans, qui étaient seigneurs de Meung-sur-Loire et de Mareau-aux-Prés et y possédaient de nombreux clos de vignes, ont aussi participé à la création d’une viticulture de qualité, soucieux d’avoir à leur table les meilleurs vins du cru.

Dans la 2e moitié du XVIe siècle les vins de l’Orléanais atteignent l’apogée de leur renommée et sont comptés parmi les meilleurs de France. Ils figurent sur les tables royales et princières.

Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, le pinot meunier, autre cépage typique de notre Appellation, fait son apparition et, se révélant bien adapté aux sols et au climat, s’y développe rapidement. A la même époque, les cépages blancs, rares auparavant, se multiplient (essentiellement sur la rive gauche) et produisent des vins particulièrement recherchés par les Hollandais.

Si ailleurs dans le vignoble orléanais, la qualité régresse au XVIIIe siècle avec l’abandon des cépages nobles au profit de cépages médiocres et très productifs destinés à approvisionner en masse les cabarets parisiens, les propriétaires sur notre territoire maintiennent une viticulture de qualité, dans des clos bien identifiés de Saint-Ay à Tavers sur le coteau rive droite, et d’Olivet à Lailly-en-Val sur la rive gauche. A la veille de la Révolution, le trafic sur la Loire est très actif : les gabares, les toues, les chalands, lourdement chargés de poinçons de vins, à partir des ports de Meung-sur-Loire et Beaugency, descendent vers Nantes ou montent vers Orléans et Paris, par le canal d’Orléans (ouvert depuis
1692).

A la Révolution, le vignoble change de mains et se morcelle : les grandes propriétés disparaissent et une foule de petits propriétaires vignerons s’installent sur des parcelles beaucoup plus petites et travaillent leurs terres eux-mêmes, cherchant à en augmenter la productivité. Mais Beaugency reste un cru de grande qualité, comme l’écrivait Jacques-Nicolas Pellieux en 1800 dans ses Essais historiques sur la ville de Beaugency : « On ne connaît guère aujourd’hui à Beaugency d’autre branche de commerce que celle du vin, que le sol produit en qualité supérieure à tous les vins de l’Orléanais. Ceux de la côte de Guignes surtout ne le cèdent point aux bons vins de Bourgogne. »

L’arrivée du chemin de fer en 1846 offre de nouveaux débouchés au vignoble qui va s’étendre considérablement au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. On peut même parler de monoculture sur Tavers, Josnes, Villorceau, Lailly-en-Val. La population augmente et tout le canton s’enrichit. Sur le seul petit bourg de Tavers, il y avait alors vingt-quatre tonneliers, trois négociants en vins, trois vinaigreries et quatre distilleries ! Sur Meung-sur-Loire et la Nivelle, à la même époque avant la crise du phylloxéra, on comptait cent cinquante petits vignerons en plus des grandes propriétés sur le coteau dominant la Loire (comme La Mouche, le Pressoir, la Belle Croix), trente-neuf tonneliers et plusieurs marchands de vins.

Le phylloxéra frappe de plein fouet cette partie du grand vignoble orléanais en 1884. Malgré tous les efforts pour lutter contre l’insecte, tout le vieux vignoble est atteint et détruit en 1894.

Sur les meilleures terres à vignes à Saint-Ay, Baule, Beaugency, Tavers, Meung-sur-Loire, quelques propriétaires exigeants vont replanter les cépages traditionnels (gris meunier, pinot noir et chardonnay, greffés sur souches américaines résistantes au phylloxéra), et moderniser le vignoble (vignes espacées pour pouvoir faire passer la charrue, parfaitement alignées et conduites sur fil de fer).

Avec la renaissance progressive du vignoble, sur des surfaces beaucoup plus réduites, la profession va peu à peu se réorganiser : trois caves coopératives viticoles sont construites sur le territoire (Mareau-aux-Prés en 1931, Olivet en 1933 et Baule en 1939). Le Syndicat viticole de l’Orléanais est créé en 1940.

Un petit noyau de vignerons, attachés à leur production et à l’amélioration de sa qualité, obtient le 9 août 1951 la reconnaissance d’une AOVDQS (Appellation Vins de Qualité Supérieure) Vins de l’Orléanais, uniquement pour les vins issus de gris-meunier, cabernet franc, pinot noir, chardonnay.

Dans les années 1970, les vignerons travaillent à l’amélioration de la qualité de l’encépagement, tandis que la superficie du vignoble se réduit considérablement (les dernières vignes sont progressivement arrachées sur Beaugency, Meung-sur-Loire, Tavers).

Dès 1987, le syndicat de l’AOVDQS Vins de l’Orléanais, entraîné par une poignée de vignerons irréductibles qui voulaient redonner ses lettres de noblesse au vieux vignoble, a demandé un classement en A.O.C. Il a fallu encore baisser les rendements, investir dans les équipements vitivinicoles, unifier les pratiques des uns et des autres, soigner les vinifications, affiner les assemblages… La route a été longue jusqu’en septembre 2006, date de l’obtention définitive de l’A.O.C.

Héritiers de cette fabuleuse histoire et de savoir-faire ancestraux, les vignerons des deux appellations Orléans et Orléans-Cléry sont de vrais vignerons, attachés passionnément à leur terre, paysans et fiers de l’être.

Crédit photographique © Agence PoingCom

Les vignerons

Si les six viticulteurs partagent tous les mêmes terroirs, les mêmes cépages, la même volonté d’authenticité, ils élaborent des vins qui offrent pourtant une belle diversité de profils, reflétant les différences de styles et de personnalités. Ils ont aussi, chacun d’eux, leur « jardin secret » et produisent quelques « pépites » qu’il est rarissime de déguster ailleurs. N’hésitez pas à aller les rencontrer : échanger avec eux est toujours un moment complice, riche en poésie, en saveurs et en découvertes.

Un vin, une Rencontre, Valérie Deneufbourg

Valérie Deneufbourg
Valérie Deneufbourg © A. Rue - ADRT45

Alors qu’elle n’est pas issue d’une famille de vignerons, en 2005, Valérie Deneufbourg s’est engagée avec passion dans ce métier exigeant, en y apportant beaucoup de sensibilité et d’humanité. Aujourd’hui, elle travaille ses 13 ha de vignes sur les deux appellations, et produit des vins tout en fruit et en rondeur avec un talent reconnu par ses pairs. Soucieuse de mener son domaine en harmonie avec la nature et en totale transparence, elle l’a entièrement reconverti en Agriculture biologique.

Partage, entraide, volonté d’authenticité, respect du milieu naturel : elle retranscrit ses valeurs dans ses vins, justement baptisés « Rencontres », dont chaque cuvée, marquée par son style, en rouge, en blanc ou en rosé, est une promesse et une découverte.

Clos Saint-Fiacre, Bénédicte et Hubert Montigny-Piel

En 2001, Bénédicte Montigny et son mari Hubert Piel ont repris, avec le domaine du Clos Saint-Fiacre, un héritage chargé d’histoire : la famille y cultive la vigne depuis le XVIIe siècle ! Ils ont poursuivi avec enthousiasme cette aventure ancestrale, attachés à redonner aux vins d’Orléans et Orléans-Cléry toutes leurs lettres de noblesse, en ne négligeant aucun détail pour entrer dans la cour des grands.

La qualité est ici le fruit d’un travail intense et minutieux, tant dans le vignoble de 18 ha, où les vignes enherbées sont conduites en viticulture raisonnée, que dans le chai où sélection parcellaire, vinification, assemblage et élevage sont millimétrés pour obtenir le meilleur du terroir et du millésime.

Leurs cuvées en rouge, en blanc et en rosé se retrouvent sur les tables étoilées de France et d’ailleurs.

Clos Saint Fiacre
Hubert et Bénédicte Montigny-Piel © Agence PoingCom

Vignoble du Chant d’oiseaux, Edouard Montigny

Vignoble du Chant d'Oiseaux
Edouard Montigny © Agence PoingCom

Il suffit d’écouter ce jeune vigneron parler de ses parcelles, réparties sur autant de lieux-dits, côté Loire ou côté Sologne, au milieu des champs et des vergers de cerisiers : Edouard Montigny vous fait chaleureusement partager son amour de la terre, son respect de la nature et son goût pour le travail de la vigne qui est pour lui une véritable vocation.

C’est qu’il connaît sur le bout des doigts chaque arpent de ce vignoble de 16 ha dont il a repris les rênes aux vendanges 2006. Il a mis cet amour de la terre et tout son savoir-faire de vinificateur au service des crus spécifiques des deux appellations dont il produit de belles bouteilles qui décrochent souvent des étoiles dans les guides et les concours.

Ce vigneron passionné produit aussi, en marge de l’A.O.C., un rare sauvignon gris et trois effervescents bourrés de charme.

Clos Saint-Avit, Nadine et Pascal Javoy

Encore un vignoble enraciné dans l’histoire (depuis le XVIIIe siècle), et des savoir-faire hissés au plus haut. C’est en 1987 que Pascal Javoy reprend le domaine familial, aujourd’hui 16 ha en Orléans et Orléans-Cléry.

Sa passion pour la vigne remonte à l’enfance et ne l’a plus jamais quitté depuis. Autant dire qu’il possède une rare maîtrise des sols et des cépages des deux appellations sur lesquelles il élabore des cuvées réalisant toujours un bel équilibre entre expression du terroir et nuances du millésime. Épaulé par son épouse Nadine, il a fait du Clos-Saint-Avit une référence solide dont les vins, plusieurs fois primés, font le bonheur des amateurs.

Profondément attaché à la terre, Pascal Javoy s’est tout naturellement engagé dans une viticulture raisonnée et durable, reconnue par le label national « Terra Vitis ».

Clos Saint-Avit
Pascal Javoy © Agence PoingCom

Chai Amandine et Quentin, Amandine Bureau et Quentin Javoy

Chai Amandine et Quentin
Amandine Bureau et Quentin Javoy © Agence PoingCom

Ce sont les jeunes pousses de l’appellation, installés dans leur chai Amandine et Quentin à Mézières depuis 2018 sous le signe de la créativité et du goût de l’aventure.

Quentin, qui a grandi au milieu des ceps du vignoble familial, est allé découvrir en 2011 les vins du Chili, aux côtés d’un pionnier du vin nature. C’est là, devenu responsable du vignoble des Coteaux de Trumao au nord de la Patagonie, qu’il a rencontré Amandine et s’est passionné pour la biodynamie. De retour en Orléanais, le jeune couple poursuit cette expérience pleine de sens d’une viticulture en accord parfait avec la nature. Leur credo, ce sont en effet les vins naturels d’une grande pureté de fruit. Ils élaborent pour cela des cuvées originales, en A.O.C. mais pas que…

Résultats : sous des étiquettes joyeusement colorées, des vins qui leur ressemblent, pour les fêtes de l’amitié et du partage.

Domaine de la Bourdonnière, Bertrand Léau

Depuis 2022, le vignoble d’Orléans compte désormais un sixième vigneron avec l’installation de Bertrand Léau au Domaine de la Bourdonnière.

Après une carrière de cadre dirigeant dans une société multinationale, ce petit-fils de viticulteur a décidé de se reconvertir dans le milieu du vin à 56 ans. Lors de son BTS viticulture-œnotourisme, il réalise son stage pratique chez Valérie Deneufbourg. Il y apprend le métier et y découvre les A.O.C. Orléans et Orléans-Cléry. Il décide d’y rester ! Depuis, Bertrand est à la tête du Domaine de la Boudonnière, un vignoble de 4,6 hectares. 

Bertrand Léau a à cœur de produire des vins le plus naturel possible et du bio, exclusivement.

Domaine de la Bourdonnière
Bertrand Léau © Agence PoingCom

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